A Trinité, juste après un petit pont enjambant un cours d’eau, se trouve le chemin d’accès de l’atelier de Robert Manscour. Enfin, je vous parle d’atelier, mais il s’agit aussi d’une salle d’exposition, où toutes les créations de Robert sont placées avec soin dans des niches éclairées.
Quand on rentre dans l’atelier de Robert, on se retrouve nez à nez avec des centaines de paires d’yeux. Des yeux ronds ou carrés, des yeux verts ou marrons, des yeux lisses ou texturés. Ce sont les yeux de tous les personnages imaginés et façonnés par notre Maître-verrier.
Un coup de foudre avec le verre
Cela fait 29 ans que Robert Manscour travaille le verre. Il en est littéralement tombé amoureux. Au départ, il avait suivi une formation pour créer des bouteilles originales dans lesquelles il espérait commercialiser le rhum de Martinique.
A peine sorti de formation, il rencontre la personne qui va changer sa vie : une femme d’expérience, déjà Maître-verrier ! Robert a adoré les créations qu’elle lui a présentées, ils ont discuté de verre avec émotion. Dès le lendemain, habité par la conviction que cette rencontre n’était pas le fruit du hasard, pressé d’approfondir sa connaissance du verre, Robert s'inscrit à la formation qu’elle lui recommande, et qu’elle avait elle-même suivie, aux Ateliers Artistiques de la Ville de Paris.
Là-bas, il a appris tous les fondamentaux du travail du verre : les fours, les diamantés, les techniques de travail au four ou d'émaillage. Il a continué à se former grâce à des stages professionnels au CERFAV, mais surtout grâce aux nombreuses expérimentations qu’il a menées pendant toutes ces années dans son atelier.
Le travail actuel de Robert Manscour est le résultat de 30 ans de cheminement avec son four, à tester, inventer et réinventer les formes de verre. Aujourd’hui, il utilise des techniques de thermoformage, thermocollage, fusing, travail au four. Il inclut dans ses créations des matières compatibles avec le verre, comme des grains de sable ou de l’aluminium par exemple. Robert est capable de mixer ces différentes techniques pour une même pièce.
Notre artiste s’attache également au coloris de l'émaillage, et peut travailler en sérigraphie pour apporter une couche supplémentaire à ses sculptures, comme une lecture parallèle, pour sublimer la transparence du verre. Parfois, il lui arrive même de dessiner le motif à la main, pour exprimer une émotion particulière.
Des personnages comme des ambassadeurs de la vie locale
Au lancement de son activité en Martinique, Robert Manscour créait surtout des objets du quotidien : cendriers, bougeoirs ou lampes - des pièces accessibles. Mais il avait aussi envie de créer des pièces plus imposantes, de véritables sculptures. C’est alors qu’il fait la rencontre de la Galerie Lisette Alibert lors d’une visite à Paris.
“Je me suis tout de suite senti à l’aise, comme si j’étais chez moi. Et ils m’ont proposé de travailler avec eux.”
Pendant des années, la Galerie Lisette Alibert a donc représenté Robert en Hexagone. C’est en collaborant avec eux que lui vient l’idée de créer des personnages ancrés dans la culture Antillaise.
“Dans ma pratique artistique, comme dans mon quotidien, les choses se présentent à moi. J’ai eu une intuition forte qui me poussait à créer des personnages. Je n’ai jamais arrêté d’explorer cette voie depuis.”
Nous avons déjà évoqué le tambour traditionnel de Guadeloupe, le Ka. Et bien celui de Martinique s’appelle le tambour Bèlè. Il est particulièrement utilisé pendant le Carnaval !
Ce sont les rythmes et la joie du Carnaval que Robert a voulu transmettre avec une série de masques aux couleurs vives, aux textures riches, aux effets de matière variés… Nous les voyons tous différents, comme pour célébrer les costumes du Carnaval.
Cette débauche de couleurs et de matières leur confère à chacun une expression et des traits bien particuliers, avec tantôt une bosse, tantôt un long nez. Robert a ainsi doté chacun de ses Masques Bèlè d’une personnalité propre, comme une ode à la singularité.
Les autres séries imaginées par notre artiste ont également des noms traditionnels, qui s’inscrivent dans la culture locale, qui présentent une facette de la réalité de son île.
“Quand j’ai voulu nommer ces créations, cette vieille chanson de mon enfance m’est revenue “Abiabiabi mi diab la dewo”... alors je les ai appelées Biabi, tout simplement. Je ne cherche pas d’inspiration, je trouve.”
Cet humour, cette décontraction, cette manière dont Robert travaille le verre, nous engagent à prendre les choses comme elles viennent, à ouvrir notre cœur aux inspirations qui se présentent à nous, voire même à prendre les choses avec plus de légèreté dans nos vies.
Comme si la pratique artistique de Robert, avec son lot d’imprévus et de spontanéité, avait consolidé en lui une tendance au lâcher-prise. Un exemple qui donne envie de faire confiance et de sourire.
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