Yelow était cuisinier en banlieue parisienne, graffeur à ses heures perdues. Lors d’un séjour en famille à Marie-Galante, ils ont un véritable coup de cœur pour l'île. Et là, en 3 mois à peine, ils vendent leur appartement, font leurs valises et viennent s'installer à Marie-Galante. Maintenant, Yelow peint des visages féminins d'une grande douceur, inspirés de sa vie aux Antilles.
Une formation de graffeur au commencement
Au départ, Yelow a fait ses armes en tant que graffeur en région parisienne. Il me parle de cette époque avec beaucoup d’énergie et un sourire dans les yeux. A cette époque, il a rencontré des gens formidables, rejoint un groupe de graffeurs, tagué dans toute l’Europe, les bombes dans le sac à dos, les séances photos pour garder plein de souvenirs… le tout dans un vrai esprit de camaraderie et de rigolade. Je me demande même ce qui lui a le plus plu : les copains, ou la pratique elle-même ?
Mais comme je le comprends ! ça m’a tout l’air d’être une tranche de vie qui ne s’oublie pas. D’ailleurs, Yelow a imprimé soigneusement ses plus beaux travaux dans des albums qu’il a emporté avec lui de Paris, et nous les feuilletons pendant qu’il me partage ses meilleurs souvenirs.
Maintenant, Yelow s’est installé à Marie-Galante, avec femme et enfant, dans une maison ouverte aux quatre vents, tout en haut d’une butte à Capesterre. Il se nourrit du calme et des paysages sauvages environnants. Nous partons en voiture pour voir ses réalisations tout autour de l’île… et il me dit en riant :
“Si un jour je me lasse de cette vue, je n’aurais plus rien à faire ici ! J’adore travailler en plein air comme ça, dans des emplacements hors du commun. Comme si la scénographie des lieux participait à l'œuvre.”
C’est à ce moment qu’il m’explique à quel point “le spot” compte en street art. Et à Marie-Galante, Yelow s’amuse à chercher les endroits les plus inspirants lorsqu’il travaille ses graffs en plein air.
Et c’est réussi ! Le contraste entre le paysage et ses œuvres est saisissant. Ici, entre végétation semi-aride et fracas des vagues, entre colline asséchée et étendue rocheuse humide, c’est un visage souriant à même la pierre, confondu avec les murs de cette ancienne bâtisse - probablement un point d’ombre où s’asseoir en surveillant les bêtes.
J’ai de la chance, parce qu’il vient de repasser une couche de couleur en conservant cette création. Car l’humidité et l’air marin attaquent les créations de Yelow, et à ma grande surprise, il remplace parfois un graff par un autre ! En fait, cet aspect éphémère lui plaît. Je vous précise ce point parce qu’il m’a beaucoup étonnée… Faire un tel travail, aussi minutieux, aussi monumental, et le détruire ensuite ? Quand je travaille sur un sujet, j’aime garder les étapes de ma production (par exemple le 1er jet de cet article est enregistré quelque part). Et j’aurais du mal à l’effacer, je suis quelqu’un qui s’accroche pas mal aux choses, aux souvenirs… Mais le street art a appris à Yelow à s’habituer à l’impermanence.
“Il y a tellement de compétition à Paris qu’un graffiti peut durer une seule journée parfois. Donc tu fais une photo et tu pars. Tu ne t’attaches pas à ce que tu produis.”
Le graffiti lui a aussi appris une sorte de discipline de la composition. Voyez-vous, en street art, on réfléchit toujours à l’équilibre visuel de sa composition : alors Yelow met en balance d’un côté les lignes droites du “lettrage” (ce qu’il écrit), et de l’autre, les courbes des fleurs, des oiseaux ou des visages qu’il peint. Tout se compense pour créer un ensemble harmonieux.
En parlant d’harmonie, il n’y a pas que visuellement que le travail de Yelow est construit en harmonie. C’est aussi un état d’esprit dans sa pratique artistique.
L’humain au centre de sa démarche créative
Yelow était avant tout un graffeur, maintenant il se considère comme un Neopeintre. Bien sûr, il continue à couvrir des murs de ses réalisations, mais il va encore plus loin : il utilise de grandes planches de contreplaqué pour peindre sans contrainte de thème ou de dimension. Il travaille dans le flow, dans l’instant. Complètement à l’écoute du sentiment qu’il représente.
Bien souvent, les visages de femmes que Yelow peint sont empreints d’une grande sérénité. Car l’artiste ne se contente pas de vivre au calme à Marie-Galante, il essaie aussi d’apporter de l’apaisement aux autres par son travail.
“Je ne veux pas que mon art soit trop intellectualisé. J’aime que mon œuvre soit lisible. Ce qui compte pour moi avant tout : faire ressentir une émotion, un apaisement qui touche le maximum de gens.”
En faisant le tour de ses réalisations sur l’île, j’ai compris à quel point l’impact de son travail sur les autres compte pour Yelow… Il n’essaye pas de plaire, mais il voudrait que chacun puisse se sentir concerné par sa proposition.
Il est vrai qu’avec le graffiti, par essence, Yelow a l’habitude d’afficher ses réalisations dans l’espace public. Mais il a conscience d’imposer en quelque sorte sa vision aux autres, alors il reste très attentif aux retours qu’on peut lui faire. C’est cette attention aux autres, combinée à des œuvres inspirées de la vie locale, qui font corps avec l’histoire ou le panorama des lieux, qui l’ont fait connaître à Marie-Galante.
Ici, à Etang noir, c’est une allusion à un homme du voisinage qui prenait toujours soin des autres, et dont les enfants ont créé la marque “Mélanjé moun” en son honneur, un appel à la solidarité, et au métissage.
“Cette histoire m’a tout de suite touché, parce que je réfléchis énormément au métissage. Depuis que j’ai décidé de vivre et d’élever mon fils ici, ce sont des sujets auxquels je suis plus sensible.”
Dans cet ancien réfectoire, à Capesterre, un immense mur recouvert du portrait de Meryl depuis octobre 2020. Elle est venue remplacer Rihanna, une autre personnalité caribéenne mise à l’honneur précédemment. Yelow sait qu’il n’est pas natif de la Caraïbe, mais il tient à ce que son travail soit représentatif. Il envisage même de faire un sondage pour choisir la prochaine personnalité à mettre en avant !
Plus loin, imaginez que vous vous promenez en bord de mer, près d’un projet immobilier inachevé, et là, un éclair de couleur jaune ou rose attrape votre oeil…
“J’aime surprendre les gens. S’ils se promènent côté route, ils ne sauront peut-être jamais qu’un portrait se cache dans ces maisons. Mais côté plage, ils se sentent privilégiés, heureux d’avoir aperçu mon travail.”
J’aimerais conclure avec une dernière composition à ciel ouvert, sur les murs d’une ancienne habitation sucrière. Une jeune femme d’apparence asiatique, au marétèt bien antillais, vous sourit au détour de la route.
C’est ce qui me touche le plus dans les portraits de Yelow. Des influences caribéennes dans le marétèt ou dans les physionomies. Avec en prime, des influences asiatiques dans les tissus, les motifs, l’esthétique florale. Je trouve que c’est un mélange fascinant et très représentatif de l’inspiration, de la créolisation qui peut naître sur nos îles.
Avez-vous envie de ces marétèt métissés chez vous ?
Les oeuvres de Yelow
Un mélange Asie-Antilles tout en douceur
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